jeudi 11 octobre 2007

un grand journalist s'éteint

Bélaid Ahmed: un grand journaliste s'éteint Par said kaced le 04/10/2007 à 13:42
Jeune journaliste, alors que je commençais à aiguiser ma plume dans cette profession de la justesse, j'eus l'insigne honneur de connaître feu Bélaid Ahmed. Que c'est dur de parler déjà au passé d'un homme si bon, si plein de vie, si serviable et si enclin à vous donner le "petit plus" qui sépare le "bon" journaliste du "grand" journaliste.Bélaid Ahmed a fait ses preuves, toutes ses preuves, à l'école des agenciers. L'école de la précision et de la concision. Là où informer prend toute sa place. Là où il y a peu d'espace au vedettariat car il s'agit de réagir vite pour livrer à l'opinion les faits et gestes de leur société en mouvement. A l'ouverture démocratique, Bélaid Ahmed a su se "redéployer" en intégrant des équipes dé rédaction où il fit parler sa science de l'information, son métier.Des légions de jeunes journalistes ont appris à son contact comment rester proche de l'information et pourquoi il faut, à tout prix, d'en manipuler tout ou en partie le contenu. Son mot d'ordre, sa devise favorite: "la rigueur, rien que la rigueur!" était connu dans toutes les rédactions. Grâce à des hommes comme lui, des journalistes ont pu exercer ce métier en se munissant des bonnes armes. Bélaid Ahmed avait toujours le mot idoine pour détendre l'atmosphère et avait le sens consacré de la formule. Il savait mettre les bons titres et hiérarchiser l'information.Il nous quitte alors que la jeune presse algérienne avait grand besoin de ses talents. Repose en paix Da Bélaid, nous essaierons de te ressembler!
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mercredi 10 octobre 2007


remerciment

Un beau matin, il a tiré sa révérence... Il nous laisse là, tout étourdis, ne sachant que dire. Pourtant, vous êtes venus et dans ce moment si particulier où nous fûmes réunis – pour une fois, la dernière – sans lui, c’était comme si il était encore là, entre nous tous, si présent et si loin..

je remercie tonton sidahmed , kaddour , mes tantes pour leur aides dans notre douleur ainsi a tous qui l'ont aimé sincerment

un hommage mais apres

Accueil : Actualité : Nationale : Adieu Ahmed Belaïd !
le 06 Octobre, 2007 01:58:00 602 lecture(s)
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Notre confrère et aîné dans la profession, Ahmed Belaid, s'est éteint jeudi. L'hommage de Zoubir Souissi qui l'a bien connu.
Par Zoubir Souissi
Chez les Indiens d’Amérique du Nord, lorsque le sachem (le chef de la tribu) sent son heure venir, il se retire dans un lieu isolé, en haute montagne en général, pour s’en aller mourir loin de tous. C’est un peu ce qui est arrivé à notre ami et grand frère plus que confrère, Belaïd Ahmed, qui est parti dans la discrétion intégrale, tout doucement sans faire de bruit.
J’ai eu l’incommensurable privilège de le côtoyer au jour le jour et celui d’être un de ses collaborateurs directs des années durant et cela m’avait permis d’apprécier l’homme et le professionnel qui a aidé beaucoup d’entre nous à assimiler les rudiments de la pratique journalistique, la vraie, celle qui met en relief les valeurs morales et intellectuelles. Car Belaïd — c’est ainsi qu’il exigeait de se faire appeler, refusant que l’on utilise son prénom —, aurait pu être un de ces innombrables courtisans et lèche-bottes qui se bousculent dans les méandres de notre profession, d’autant qu’à l’aube de sa carrière, il avait connu les honneurs et les arcanes de la hiérarchie. Il n’en fut rien, tout simplement parce que Belaïd était un esprit libre qui cultivait les grands principes d’honnêteté et de probité. Après avoir dirigé le quotidien An-Nasret les déboires qu’il y connut et qui ont été remarquablement évoqués par Boukhalfa Amazit dans l’hommage qu’il lui a rendu, BelaÏd se retrouve au quotidien national El-Moudjahid, dont il prit la rédaction en chef au début des années soixante-dix. C’est à cette époque que nous nous sommes connus. Je me souviens de ces moments de plaisir extrême quasi-quotidiens qu’il avait chaque soir après le bouclage : «Eh bien, nous disait-il à Maâmar Farah et à moi, nous en avons fait un de plus !», en parlant de son «bébé» du jour, le journal qu’il avait fait fabriquer. Plus tard et au gré des vicissitudes de la politique politicienne, Belaïd fut mis au placard. Par trop électron libre, il ne pouvait pas convenir à un système basé sur la flagornerie et les éloges des carriéristes et des faux culs en tous genres. Je me remémore encore (c’est d’actualité), le jour où nous avions reçu une information sur «1 200 tonnes de pommes de terre jetées dans une décharge publique», à un moment où nous vivions une terrible pénurie de pommes de terre. Un journaliste et un photographe furent envoyés sur place et l’enquête corrobora l’information. A la réunion du menu, Belaïd demanda l’avis des responsables de la rédaction sur l’opportunité de publier ce qui était considéré alors comme un brûlot. Il ne faut pas oublier que nous étions en plein régime dictatorial où tous les écrits, tous les mots étaient minutieusement soupesés. Devant certains atermoiements, Belaïd avait tranché. Non seulement, on donnera l’information, mais elle fera l’ouverture de la une. Ce qui fut fait. Naturellement, le ciel nous tomba sur la tête le lendemain. Mais Belaïd tint bon, jusqu’au jour où on le vira. Remercié, Il reprit courageusement son porte-plume et se lança dans le bain de l’information économique et la bataille du pétrole avec un enthousiasme et un allant de jeune débutant. Maintenant qu’il est parti, nous apprécions à leur juste valeur, des hommes de cette trempe. Les dernières années de sa vie furent les plus décevantes pour lui. Il lui fut difficile de s’adapter à la nouvelle donne instaurée par la circulaire Hamrouche. Le bulletin économique qu’il créa alors ne connut pas le succès qu’il aurait dû avoir car la conjoncture n’était pas à l’économie mais à la violence. Après avoir tenté de transformer son bulletin en hebdomadaire spécialisé, il dut se rendre à l’évidence et fermer boutique. Les dernières années de sa vie furent marquées par la maladie, un vilain cancer de la gorge, auquel il fit front avec un immense courage. Après avoir fait un pied de nez à la mort pendant plusieurs années, celle-ci a fini par avoir le dernier mot et l’a emporté. Il s’était volontairement retiré du circuit comme pour ne pas gêner les nombreux amis qu’il compte dans le métier. Fier jusqu’au bout des ongles, il n’aurait jamais accepté d’être un boulet encombrant pour ceux qu’il aimait. Il est mort de la même façon, loin du bruit et de la fureur de ces salles de rédaction qu’il aimait par-dessus tout. Beaucoup de ses amis, dont nous-mêmes regretteront amèrement de ne pas s’être inquiété de son long, trop long silence. Repose en paix Belaïd. Ta compétence, ta générosité et ton humour caustique et décapant vont nous manquer terriblement.Z. S.
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belaid ahmed

Actualités : HOMMAGE À BELAÏD AHMEDAdieu Beber !
En hommage à Belaïd Ahmed, grand journaliste et doyen de la corporation, disparu il y a quelques jours, voici, republié, ce texte paru dans les «mots du jeudi», le 13 novembre 2003.C’était une journée transparente, claire comme l’eau du large sous le soleil naissant. Une journée algéroise tissée dans la magie de ces matins lumineux accostés comme un bateau fantôme sur les quais déserts du port. Un matin qui monte comme un hymne venu du lointain dans le rouge et or des cieux flamboyants, comme une chanson que l’on connaît par cœur et qui ressemble à toutes les chansons d’amour, comme le vol des mouettes pourchassant les chalutiers ; beau comme le jour qu’il enfante délicatement, paisiblement dans l’irréel éclat de la grande avenue bordée de platanes. Un matin bonheur, un matin de bien-être et de ravissement, qui commence par un café crème et un croissant à la terrasse du Palma ou de la Rotonde, à l’heure où les camions municipaux rafraîchissent les boulevards comme pour chasser les derniers lambeaux d’obscurité qui traînent encore sur les hauteurs de Bouzaréah. D’autres, plus traditionnels, préfèrent les beignets chauds ou «khefaf» servis par ces rois matinaux de la pâte, généralement venus de Gafsa ou de Djerba. Ces matins sont un moment de ravissement d’une grande beauté, aussi bien extérieure qu’intérieure. Extérieure, car la ville se présente telle qu’elle est, sans la cohorte de badauds qui lui confèrent cette apparence de ruche n’ayant aucune personnalité et sans ces longues et monotones colonnes de véhicules qui empoisonnent l’atmosphère et provoquent un vacarme tonitruant. A ce moment-là, la ville se découvre telle qu’elle est. On se surprend à apprécier le détail d’un portique, le charme discret de ces bustes en marbre soutenant les balcons, la grâce désuète de ces voûtes sous lesquelles on passe mille fois chaque jour sans en relever les lignes magiques, le mystère des porches discrètes et l'incomparable élégance des arcades. Intérieure parce que ces moments de paix et de sérénité sont un remède efficient contre le stress de la grande ville. Seul ou avec des amis, attablé dans un café ou déambulant dans les rues désertes, on profite de ces moments de quiétude pour laisser son esprit enfourcher les vagues d’une réflexion philosophique qui nous détache des choses bassement matérielles de la vie quotidienne. Je le revois encore comme s’il était là, à côté de moi, l’air pensif, sirotant calmement son café tout en tirant profondément sur sa cigarette. De temps à autre, il avait un geste machinal pour arranger ses lunettes qui lui tombaient sur le nez. Pour quelques semaines, il avait décidé de nous accompagner dans l’aventure matinale d’ Horizons, quotidien du soir à grand tirage (350 000 exemplaires/jour). L’essentiel de notre boulot se faisait de bon matin, entre cinq et neuf heures ; il y avait les pages d’actualité à confectionner, la dernière et la Une à préparer et il fallait tout boucler avant dix heures pour que le journal soit dans les kiosques aux environs de midi. Nous profitions de cette pausecafé pour discuter sur les sujets importants du jour, la manière de les présenter et s’il y a lieu de les commenter. Il y avait généralement là Fouad, Mohammed Bederina, Chérif Chemseddine et Hocine Mezali avec sa machine à écrire portable. Et il y avait aussi exceptionnellement pour quelques semaines, le grand, l’unique, l’inénarrable Belaïd Ahmed, le doyen des journalistes algériens dont on me dit qu’il est actuellement malade et auquel je souhaite un prompt rétablissement avec l’espoir de pouvoir relire un jour l’un de ses succulents écrits! Belaïd Ahmed, je l’ai connu en rentrant à El Moudjahid. Il était rédacteur en chef et occupait, au fond du couloir, le petit bureau qui accueillit par la suite la rédaction régionale, un endroit stratégique qui permettait une surveillance attentive des entrées et sorties des journalistes. Sid-Ahmed portait des bretelles comme les rédacteurs en chef des films de ma jeunesse : il avait de grosses lunettes comme eux et sa façon de vous engueuler suite à un ratage, semblait sortir tout droit d’une pellicule en noir et blanc. Peu de gens connaissent le passé prestigieux de cet homme de presse qui a toujours gardé la tête haute et ne s’est jamais abaissé à faire des concessions. Face aux changements des humeurs et des hommes, il a répondu par la constance de son professionnalisme et lui, qui était déjà directeur d’un quotidien à l’indépendance ( An Nasr), aurait pu aspirer aux postes les plus prestigieux s’il avait épousé une autre carrière. «Le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir »… Aux honneurs éphémères des gloires politiques et aux notoriétés temporaires des postes de responsabilité dans l’administration, il a choisi le rude chemin de la presse, la laborieuse pente qui ne mène pas forcément vers le haut. Journaliste dans l’âme, il a tissé les toiles d’une information sérieuse que la limite imposée par le système du parti unique n’empêchait pas d’être crédible. Courageux, il a été démis de ses fonctions deux fois pour des articles qui n’avaient pas plu. A Constantine, parlant du FLN, il avait osé faire paraître un éditorial intitulé : «Il faut balayer devant sa propre porte.» C’était en 1963. Le lendemain, il fut invité à quitter les lieux. Dans les années soixante-dix, et malgré tous nos efforts pour l’en dissuader, il pondit le fameux : «Ce qui est fondamental et ce qui n’est pas fondamental» qui lui valut le même sort ! Il se retrouvera à chaque fois simple journaliste, ne croyant qu’en sa plume pour redémarrer encore et encore, refaire les premiers pas sur la pente qui ne mène nulle part, heureux d’écrire, ivre des effluves du plomb qui montaient de l’atelier, soûlé par la cadence de la grosse machine qui pondait les journaux par dizaines de milliers. Et c’est ainsi qu’il se retrouvera spécialiste des questions énergétiques à l’époque du grand embargo pétrolier arabe. Pour l’histoire, il a été «kidnappé » avec les autres délégations par Carlos et sa bande lors de l’attaque du siège de l’Opep à Vienne. Il se retrouvera dans l’avion piraté qui volait vers…Alger ! Son reportage sur l’affaire fit sensation. J’en garde un bout dans ma mémoire, lorsqu’il décrit l’irruption des terroristes dans la salle de réunion. Il disait à peu près ceci (ce n’est pas du mot à mot) : «Dans la précipitation, tout le monde s’aplatit sous les sièges. Ministres et délégués. Les petits drapeaux des pays membres de l’Opep, déposés sur la table, chancelèrent et tombèrent un à un. De mon coin, couché comme tous les autres, je suivais le fanion algérien. Il chancelle. Tombera ? Tombera pas ? Finalement, il resta debout. Le seul.» Belaïd Ahmed m’a guidé dans les dédales de la cité inconnue pour m’en faire connaître les mystérieux rites nocturnes et de cette époque mouvementée et riche en rencontres de tout genre, je garde le souvenir de femmes et d’hommes d’un niveau intellectuel exceptionnel, faune d’artistes et de philosophes errant dans les labyrinthes de la cité pour faire étalage de leurs talents et échanger leurs expériences. Dans le magma des discussions intellectuelles sans fin, au confluent des courants idéologiques contradictoires qui secouaient l’époque, il y avait une valeur qui gardait intacte sa cotation au marché du cœur : l’amitié. Cette amitié sincère qui naît d’une rencontre désintéressée et d’une fidélité à toute épreuve. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Dans le souk actuel du trabendisme politique, tant de ferveur pour les sentiments humains, tant d’émotion face aux choses de la vraie vie, tant de passion pour les rencontres et les échanges, apparaîtront à beaucoup bien naïves. Assurément, pour cette nouvelle faune, la construction de la «baraque» avec piscine et tout le tralala petit bourgeois sont l’épine dorsale de la réflexion quotidienne et le principal sujet de préoccupation. Minables rejetons d’un système pourri jusqu’à l’os, ils bâtissent leur notoriété sur ces biens matériels qu’ils acquièrent à tout prix. Ils achètent les plus belles encyclopédies pour orner des bibliothèques qui ne serviront à rien. Juste la frime… Alger la tromperie, Alger des escroqueries, Alger des m’as-tu vu ; non, Sid-Ahmed, ce n’est pas cette Alger-là que tu m’as montrée. Tu m’as guidé dans les rues d’une autre ville, haute comme l’honneur, grande comme la dignité, belle comme l’amour. Alger des petites gens, de la solidarité, des pêcheurs, des artistes en bleu de Chine, heureux de vivre dans la plus belle ville du monde. Alger des petits matins succulents de la Pêcherie et des crépusculaires savoureux de la Madrague somnolente au milieu de ses embarcations. Alger des escapades nocturnes vers Sidi-Fredj la débonnaire malgré son air de marina somptueuse et Zéralda la festive où la mer ressemble à un poème… Il n’y avait pas encore de grande bouffe à Staouéli et nous avions le boulevard scintillant de Fort-de- L’eau pour nous enivrer de toutes les sensations… Merci pour tant et tant de belles choses, Sid-Ahmed, doyen des journalistes algériens, superbement ignoré par son pays et ses ministres de l’information. On m’a dit que tu ne sors plus beaucoup de ton appartement du centre-ville. Mais au fond, cela importe peu parce que je sais que dans ta tête remplie de souvenirs, il y a comme un formidable feu d’artifice, c’est le spectacle d’Alger sous le soleil éternel de la fraternité. C’est cette Alger-là qui vit au fond de nos cœurs. Maâmar FARAH (13 novembre 2003, in «Les mots du jeudi», tome 1)
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Actualités : HOMMAGE À BELAÏD AHMEDAdieu Beber !
En hommage à Belaïd Ahmed, grand journaliste et doyen de la corporation, disparu il y a quelques jours, voici, republié, ce texte paru dans les «mots du jeudi», le 13 novembre 2003.C’était une journée transparente, claire comme l’eau du large sous le soleil naissant. Une journée algéroise tissée dans la magie de ces matins lumineux accostés comme un bateau fantôme sur les quais déserts du port. Un matin qui monte comme un hymne venu du lointain dans le rouge et or des cieux flamboyants, comme une chanson que l’on connaît par cœur et qui ressemble à toutes les chansons d’amour, comme le vol des mouettes pourchassant les chalutiers ; beau comme le jour qu’il enfante délicatement, paisiblement dans l’irréel éclat de la grande avenue bordée de platanes. Un matin bonheur, un matin de bien-être et de ravissement, qui commence par un café crème et un croissant à la terrasse du Palma ou de la Rotonde, à l’heure où les camions municipaux rafraîchissent les boulevards comme pour chasser les derniers lambeaux d’obscurité qui traînent encore sur les hauteurs de Bouzaréah. D’autres, plus traditionnels, préfèrent les beignets chauds ou «khefaf» servis par ces rois matinaux de la pâte, généralement venus de Gafsa ou de Djerba. Ces matins sont un moment de ravissement d’une grande beauté, aussi bien extérieure qu’intérieure. Extérieure, car la ville se présente telle qu’elle est, sans la cohorte de badauds qui lui confèrent cette apparence de ruche n’ayant aucune personnalité et sans ces longues et monotones colonnes de véhicules qui empoisonnent l’atmosphère et provoquent un vacarme tonitruant. A ce moment-là, la ville se découvre telle qu’elle est. On se surprend à apprécier le détail d’un portique, le charme discret de ces bustes en marbre soutenant les balcons, la grâce désuète de ces voûtes sous lesquelles on passe mille fois chaque jour sans en relever les lignes magiques, le mystère des porches discrètes et l'incomparable élégance des arcades. Intérieure parce que ces moments de paix et de sérénité sont un remède efficient contre le stress de la grande ville. Seul ou avec des amis, attablé dans un café ou déambulant dans les rues désertes, on profite de ces moments de quiétude pour laisser son esprit enfourcher les vagues d’une réflexion philosophique qui nous détache des choses bassement matérielles de la vie quotidienne. Je le revois encore comme s’il était là, à côté de moi, l’air pensif, sirotant calmement son café tout en tirant profondément sur sa cigarette. De temps à autre, il avait un geste machinal pour arranger ses lunettes qui lui tombaient sur le nez. Pour quelques semaines, il avait décidé de nous accompagner dans l’aventure matinale d’ Horizons, quotidien du soir à grand tirage (350 000 exemplaires/jour). L’essentiel de notre boulot se faisait de bon matin, entre cinq et neuf heures ; il y avait les pages d’actualité à confectionner, la dernière et la Une à préparer et il fallait tout boucler avant dix heures pour que le journal soit dans les kiosques aux environs de midi. Nous profitions de cette pausecafé pour discuter sur les sujets importants du jour, la manière de les présenter et s’il y a lieu de les commenter. Il y avait généralement là Fouad, Mohammed Bederina, Chérif Chemseddine et Hocine Mezali avec sa machine à écrire portable. Et il y avait aussi exceptionnellement pour quelques semaines, le grand, l’unique, l’inénarrable Belaïd Ahmed, le doyen des journalistes algériens dont on me dit qu’il est actuellement malade et auquel je souhaite un prompt rétablissement avec l’espoir de pouvoir relire un jour l’un de ses succulents écrits! Belaïd Ahmed, je l’ai connu en rentrant à El Moudjahid. Il était rédacteur en chef et occupait, au fond du couloir, le petit bureau qui accueillit par la suite la rédaction régionale, un endroit stratégique qui permettait une surveillance attentive des entrées et sorties des journalistes. Sid-Ahmed portait des bretelles comme les rédacteurs en chef des films de ma jeunesse : il avait de grosses lunettes comme eux et sa façon de vous engueuler suite à un ratage, semblait sortir tout droit d’une pellicule en noir et blanc. Peu de gens connaissent le passé prestigieux de cet homme de presse qui a toujours gardé la tête haute et ne s’est jamais abaissé à faire des concessions. Face aux changements des humeurs et des hommes, il a répondu par la constance de son professionnalisme et lui, qui était déjà directeur d’un quotidien à l’indépendance ( An Nasr), aurait pu aspirer aux postes les plus prestigieux s’il avait épousé une autre carrière. «Le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir »… Aux honneurs éphémères des gloires politiques et aux notoriétés temporaires des postes de responsabilité dans l’administration, il a choisi le rude chemin de la presse, la laborieuse pente qui ne mène pas forcément vers le haut. Journaliste dans l’âme, il a tissé les toiles d’une information sérieuse que la limite imposée par le système du parti unique n’empêchait pas d’être crédible. Courageux, il a été démis de ses fonctions deux fois pour des articles qui n’avaient pas plu. A Constantine, parlant du FLN, il avait osé faire paraître un éditorial intitulé : «Il faut balayer devant sa propre porte.» C’était en 1963. Le lendemain, il fut invité à quitter les lieux. Dans les années soixante-dix, et malgré tous nos efforts pour l’en dissuader, il pondit le fameux : «Ce qui est fondamental et ce qui n’est pas fondamental» qui lui valut le même sort ! Il se retrouvera à chaque fois simple journaliste, ne croyant qu’en sa plume pour redémarrer encore et encore, refaire les premiers pas sur la pente qui ne mène nulle part, heureux d’écrire, ivre des effluves du plomb qui montaient de l’atelier, soûlé par la cadence de la grosse machine qui pondait les journaux par dizaines de milliers. Et c’est ainsi qu’il se retrouvera spécialiste des questions énergétiques à l’époque du grand embargo pétrolier arabe. Pour l’histoire, il a été «kidnappé » avec les autres délégations par Carlos et sa bande lors de l’attaque du siège de l’Opep à Vienne. Il se retrouvera dans l’avion piraté qui volait vers…Alger ! Son reportage sur l’affaire fit sensation. J’en garde un bout dans ma mémoire, lorsqu’il décrit l’irruption des terroristes dans la salle de réunion. Il disait à peu près ceci (ce n’est pas du mot à mot) : «Dans la précipitation, tout le monde s’aplatit sous les sièges. Ministres et délégués. Les petits drapeaux des pays membres de l’Opep, déposés sur la table, chancelèrent et tombèrent un à un. De mon coin, couché comme tous les autres, je suivais le fanion algérien. Il chancelle. Tombera ? Tombera pas ? Finalement, il resta debout. Le seul.» Belaïd Ahmed m’a guidé dans les dédales de la cité inconnue pour m’en faire connaître les mystérieux rites nocturnes et de cette époque mouvementée et riche en rencontres de tout genre, je garde le souvenir de femmes et d’hommes d’un niveau intellectuel exceptionnel, faune d’artistes et de philosophes errant dans les labyrinthes de la cité pour faire étalage de leurs talents et échanger leurs expériences. Dans le magma des discussions intellectuelles sans fin, au confluent des courants idéologiques contradictoires qui secouaient l’époque, il y avait une valeur qui gardait intacte sa cotation au marché du cœur : l’amitié. Cette amitié sincère qui naît d’une rencontre désintéressée et d’une fidélité à toute épreuve. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Dans le souk actuel du trabendisme politique, tant de ferveur pour les sentiments humains, tant d’émotion face aux choses de la vraie vie, tant de passion pour les rencontres et les échanges, apparaîtront à beaucoup bien naïves. Assurément, pour cette nouvelle faune, la construction de la «baraque» avec piscine et tout le tralala petit bourgeois sont l’épine dorsale de la réflexion quotidienne et le principal sujet de préoccupation. Minables rejetons d’un système pourri jusqu’à l’os, ils bâtissent leur notoriété sur ces biens matériels qu’ils acquièrent à tout prix. Ils achètent les plus belles encyclopédies pour orner des bibliothèques qui ne serviront à rien. Juste la frime… Alger la tromperie, Alger des escroqueries, Alger des m’as-tu vu ; non, Sid-Ahmed, ce n’est pas cette Alger-là que tu m’as montrée. Tu m’as guidé dans les rues d’une autre ville, haute comme l’honneur, grande comme la dignité, belle comme l’amour. Alger des petites gens, de la solidarité, des pêcheurs, des artistes en bleu de Chine, heureux de vivre dans la plus belle ville du monde. Alger des petits matins succulents de la Pêcherie et des crépusculaires savoureux de la Madrague somnolente au milieu de ses embarcations. Alger des escapades nocturnes vers Sidi-Fredj la débonnaire malgré son air de marina somptueuse et Zéralda la festive où la mer ressemble à un poème… Il n’y avait pas encore de grande bouffe à Staouéli et nous avions le boulevard scintillant de Fort-de- L’eau pour nous enivrer de toutes les sensations… Merci pour tant et tant de belles choses, Sid-Ahmed, doyen des journalistes algériens, superbement ignoré par son pays et ses ministres de l’information. On m’a dit que tu ne sors plus beaucoup de ton appartement du centre-ville. Mais au fond, cela importe peu parce que je sais que dans ta tête remplie de souvenirs, il y a comme un formidable feu d’artifice, c’est le spectacle d’Alger sous le soleil éternel de la fraternité. C’est cette Alger-là qui vit au fond de nos cœurs. Maâmar FARAH (13 novembre 2003, in «Les mots du jeudi», tome 1)
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fondateur de la press alegerien.......

[ Nation ]La presse national en deuil Décès de Ahmed Belaïd, un des fondateurs de la presse nationale
Par : EL MOUDJAHID Le : mercredi 03 octobre 2007
Ahmed Belaïd, un des fondateurs de la presse nationale, vient de s’éteindre à Alger à l’âge de 73 ans des suites d’une longue maladie. Ce "monstre de la presse", qui a embrassé la carrière de journaliste juste au lendemain du recouvrement de l’Indépendance, a exercé des responsabilités dans différents organes (rédacteur en chef d’El Moudjahid, directeur du journal En-Nasr, rédacteur en chef de Révolution Africaine, directeur des relations extérieures à l’APS). Il s’était surtout rendu célèbre quand il avait en charge le dossier des hydrocarbures notamment à l’OPEP au temps des difficiles négociations algéro-françaises et de "la bataille des prix" des années 60 et 70. Ahmed Belaïd était un journaliste atypique des conférences de l’OPEP. Il fut parmi les otages du célèbre Carlos à Vienne, événement qu’il racontera plus tard à ses collègues avec truculence et un art à nul autre pareil.Viscéralement attaché au noble métier, Ahmed Belaïd, à la bonhomie légendaire, ne cessait malgré l’âge qui avance inexorablement et la terrible maladie qui le rongeait silencieusement à diffuser la gaieté et l’espérance, même à réclamer des sujets juste pour le plaisir d’écrire, pour écrire sur le "fil" de l’APS qu’il avait "inondée" pendant trois décennies entières.Ce "racé du journalisme", formateur par excellence, tantôt grave, tantôt hilare, avait le don de hisser la confraternité en amitié, si attachant et si sensible pour imposer le respect et pour servir d’exemplarité dans la droiture et l’honnêteté. Il était en effet un condensé de rectitude. Son nom restera à jamais lié à la grande épopée de la presse nationale post-indépendance dans toutes ses facettes : de "la presse responsable" à "la presse frondeuse" et jusqu’à la presse libre dans son expression. Il aura assisté à tout, parfois acteur principal, parfois spectateur, jamais déserteur. Ahmed Belaïd était de la race des grands. Qu’Allah lui accorde Sa Sainte Miséricorde.

hi

Bélaïd Ahmed n’est plus
Le journaliste de la raison
Il a éteint la lumière puis il a tiré la porte non sans avoir jeté un dernier coup d’œil sur la vaste salle de rédaction qui fut son univers.
Bélaïd Ahmed s’en est allé en silence, presque sur la pointe des pieds comme pour ne pas gêner ses confrères. Il sait qu’ils reviendront demain et après-demain et tous les jours d’après, pour animer de nouveau les temples de l’info qu’il a habités depuis le jour où il a vu naître la presse algérienne au lendemain de l’indépendance recouvrée. Bélaïd Ahmed est mort des suites d’une maladie contre laquelle il a livré un combat singulier. Il a résisté pied à pied face à la cruelle faucheuse. « Elle m’a promis un cercueil, je me suis acheté une bagnole », disait-il triomphant, il y a quelques années, en montrant les clés de son véhicule nouvellement acquis. Aux médecins qui lui conseillaient une trachéotomie, il répondait : « Je préfère vivre peu et garder la parole que de communiquer avec les miens à l’aide de biffetons, même si c’est encore pour des lustres. » Il est vrai qu’on affaiblit toujours ce qu’on exagère et que la mesure des mots confère force et raison à l’argument, mais dire de « tonton Bello » que c’était un être d’exception qui aura marqué par sa longévité professionnelle et surtout ses qualités d’homme et de journaliste, plusieurs générations de gens de la presse, n’est pas forcer le trait. Il faisait autorité dans le domaine de l’énergie. Son nom a émaillé les unes d’El Moudjahid durant les grandes batailles énergétiques des années 1970. Il accompagnera d’ailleurs Bélaïd Abdeslam alors ministre de l’Energie et son homologue saoudien, Zaki Yamani, dans un mémorable périple planétaire destiné à exposer les positions de l’OPAEP à la veille de la grande crise pétrolière de 1973. Il était également le seul journaliste au milieu des ministres du pétrole de l’OPEP, pris en otage par Carlos à Vienne en 1975 et débarqués à Alger. Il n’avait rien d’un matamore, d’un télévangéliste ou d’un justicier qui s’en prenait aux majuscules du système pas plus qu’il n’était ménestrel des grands. Bélaïd était un journaliste de la raison. De la mesure. Loin du verbe leste, de l’invective prompte ou de l’injure pétulante. Lui qui a tricoté sa vie avec l’histoire moderne de ce pays sait ce qu’il en coûte de refuser les courtisaneries. Alors qu’il était directeur du quotidien constantinois An Nasr, il avait commis un éditorial intitulé « Même les ruines périront », il reçut un télégramme d’Alger où l’attendaient des malabars qui l’ont invité à présenter ses poignets et à les suivre. Ainsi perdit-il son poste de directeur. Ce n’était pas la dernière fois qu’il bravait les interdits au temps où ceux d’en haut voulaient qu’on fasse la police dans sa propre tête. Il a appris et a enseigné qu’il en est de la liberté d’expression comme des champignons des bois. Ils sont parfois vénéneux. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas en consommer. Il a pris ce métier par brassées. Bien des rédactions se souviennent de sa silhouette rondouillarde, de son élégance impeccable qui faisait son inspection en claquant ses bretelles à la manière des red’chefs des films noirs américains. Ceux qui ont eu à le subir comme chef connaissent ses exigences professionnelles… « Va me faire huit feuillets sur la Moutonnière, huit et pas moins… » Que de stagiaires et de débutants ont fait les frais de son souci de la perfection, du travail achevé, irréprochable tant au niveau de la forme que du fond. Bélaïd Ahmed n’est pas un ex-directeur ni un ex-rédacteur en chef, il est resté journaliste dans l’âme et dans les faits, jusqu’à la fin de ses jours puisqu’il collaborait, il y a encore quelques mois, au service économique de l’APS. Par la force de sa plume, la pertinence de son impertinence il s’est hissé jusqu’aux cimes enivrantes de la simplicité.
Boukhalfa Amazit